Marie-Nicole Lemieux sings Rossini, acclaim and interview with Opera Online

Marie-Nicole Lemieux has sung two récitals dedicated to Gioachino Rossini at the Opera National de Montpellier Languedoc-Roussillon, on December 2 & 5 2015. Opera Online has published an interview with Marie-Nicole Lemieux and et a review of the first concert.

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Review

Découverte au niveau international quand elle fut Lauréate du prestigieux Concours de la Reine Elizabeth en 2000, puis plus spécifiquement en France grâce aux Victoires de la Musique classique en 2004, la grande contralto canadienne Marie-Nicole Lemieux a choisi l’Opéra National de Montpellier pour graver son nouvel enregistrement, entièrement consacré à Gioachino Rossini, disque live qui sortira en janvier 2017. C’est aussi deux concerts (au Corum) auxquels le public montpelliérain a largement répondu présent, et qui se sont soldés par un triomphe, de nombreux rappels, puis une standing ovation plus que méritée.

Autant que ses qualités vocales – son incroyable souffle, ses vertigineux sauts de registre et surtout une voix dotée de graves profonds qui sait se faire tour à tour caressante ou flamboyante de virtuosité -, c’est sa générosité, sa bonne humeur, sa vitalité exubérante et communicative, ses éclats de rire sonores, la complicité qu’elle sait tisser tant avec le public qu’avec le chef ou les instrumentistes, qui ont conquis le public montpelliérain (même si certains esprits chagrins ont trouvé qu’elle en faisait trop…), des qualités humaines que nous avons eu la chance et le bonheur de vivre plus « immédiatement » lors d’une interview qu’elle nous a accordée entre les deux concerts.

La fête commence avec le fameux air « Di tanti palpiti » tiré du premier grand succès de Rossini, son opéra Tancredi. D’emblée, sa facilité dans les vocalises, son aplomb vocal, la noblesse du timbre  et son aisance dans la coloratura lui permettent de délivrer avec panache cette difficile aria dans son exécution, ainsi que l’air plus redoutable encore (et électrisant) qui suit : « In si barbara sciagura » tirée de Semiramide (rôle d’Arsace). Son troisième air (en solo) est un des plus connus de Rossini, le « Pensa alla patria » tiré de L’Italianna in Algeri, rôle qu’elle a étrenné il y a trois ans à l’Opéra National de Lorraine. Elle y fait preuve de l’espièglerie et de la facétie que requiert cet air virevoltant, mais aussi de la féminité, de la fierté et de la subtile ironie de cette prima donna se parodiant elle-même.

Entre ces trois airs, la célèbre soprano italienne Patrizia Ciofi – venue à la fois par amitié (elles ont souvent chanté côte à côte dans des productions d’opéra) et parce qu’elles ont les mêmes agents artistiques et la maison de disques (Erato) – interprète avec Lemieux deux duos : « Lasciami, non t’ascolto » (Tancredi) et « Ebben, per mia memoria » (La Gazza ladra), dans lesquels leurs voix s’accordent à merveille. C’est un bonheur de voir la sincère complicité qu’entretiennent les deux cantatrices, très à l’écoute l’une de l’autre. Au moment des bis, elles rivalisent de drôlerie dans le désopilant Duo des chats – et ses incroyables variations sur le simple mot « Miaou » ! Autres bis, en solo cette fois, la contralto délivre ce qui est certainement l’air le plus célèbre du Cygne de Pesaro, « Una voce poco fa », tiré du non moins célèbre Barbier de Séville, puis l’air « Cruda sorte » extrait de L’italianna in Algeri, dans lesquels sa passion incendiaire rend crédible chacune des émotions des deux personnages.

Sous la direction du chef italien Enrique Mazzola (un habitué de la maison), l’Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon – que l’on n’attendait pas aussi convaincant dans un répertoire auquel il est finalement peu rompu – brille de cohésion, de réactivité et de précision lors de l’exécution de quatre Ouvertures parmi les plus célèbres de Rossini, celles de TancrediLa CenerentolaL’Italianna in Algeri et surtout l’extraordinaire Guillaume Tell, dont on gardera en mémoire le solo de violoncelle de Cyrille Tricoire, par lequel débute l’ouvrage, empreint d’une intense et indicible émotion.

Comme nous l’évoquions au début de notre recension, l’effet produit sur un public tout à la fois hagard et hilare, le mène au bord de l’hystérie, et c’est debout qu’il offre chaleureusement à la chanteuse canadienne une interminable ovation.

Emmanuel Andrieu, Opéra Online

December 2015

Interview

Après avoir été Lauréate du prestigieux Concours Reine Elizabeth de Belgique en 2000, la contralto Marie-Nicole Lemieux a entamé une carrière fulgurante, et s’est vue invitée par les plus grandes scènes internationales, comme récemment au Théâtre Royal de La Monnaie de Bruxelles pour Un ballo in maschera (en mai dernier) ou aux Chorégies d’Orange pour Il Trovatore (au mois d’août). Au-delà de la rareté de sa tessiture et de la beauté de sa voix, elle se distingue aussi par son énergie débordante, sa grande générosité et sa joie de vivre communicative – qualités que nous avons pu vérifier lors de cet entretien réalisé à Montpellier, où la chanteuse canadienne donne deux récitals entièrement consacrés à Rossini, concerts enregistrés par le label Erato en vue d’une prochaine commercialisation.

***

Opera-Online : La musique baroque a beaucoup compté au début de votre carrière, mais vous semblez vous en écarter peu à peu pour aller vers un autre type de répertoire ?

Marie-Nicole Lemieux : En fait, le baroque a été comme « accidentel » pour moi, je n’avais jamais envisagé qu’il prendrait une telle importance dans ma vie, même si j’adorais cette musique, et que ma cd-thèque en était remplie. Le baroque m’a permis d’aborder très vite la scène, d’y faire mes premières armes, et aussi de rencontrer beaucoup de chanteurs, de chefs et de metteurs en scène formidables. Dés mes débuts, je savais que j’avais une vraie musicalité ainsi que cet aspect « bête de scène » qui à mon avis est quelque chose d’inné, qu’on possède ou pas. Par contre, toute jeune, j’avais une voix « courte », ce qui est très bien pour la musique baroque, mais moi j’avais envie de tout : je suis une gourmande, il n’y a qu’à voir mon physique ! (rires) J’aime toutes les époques dans la musique, du baroque au contemporain, et j’aurais été très triste de rester cantonnée seulement au baroque : j’aime trop Rossini et Verdi, dont je ne peux plus me passer aujourd’hui. Je vais bientôt chanter du Puccini et même du Mahler et du Wagner, tout me plaît et j’ai envie de tout faire ! (rires)

Vous donnez actuellement à Montpellier un double récital consacré à Rossini… C’est un compositeur qui est prépondérant dans votre carrière ?

Oui, Rossini ça a été une révélation ! Ce fut un tel bonheur pour moi quand j’ai chanté ma première Italienne à Alger à l’Opéra National de Lorraine ! Comme pour le baroque, il faut faire preuve de virtuosité, mais Rossini permet de respirer, alors que le baroque beaucoup moins : il me fait « mal au corps » et me donne des crampes partout ! Bizarrement, avec Rossini, on chante deux fois plus, mais on est deux fois moins fatigué à la fin d’une représentation ! (rires) Rossini, c’est organique, c’est bien fait, et puis il connaissait parfaitement la voix, le fait qu’il ait vécu avec la Colbran ne doit pas y être étranger…

Vous êtes contralto, la tessiture la plus rare du genre lyrique…

Oui, c’est une tessiture très particulière, qui est relativement rare, et je suis donc très chanceuse ! (rires) Par ailleurs, avec mon physique, si j’avais été soprano, je pense que j’aurais eu beaucoup moins d’engagements, que j’aurais mis beaucoup plus de temps à « percer ». Je sais parfaitement qu’à mes débuts, certains metteurs en scène ne m’ont pas engagée après m’avoir vue en photo, parce qu’ils cherchaient un physique plus « consensuel », et aujourd’hui encore beaucoup sont frileux avec ça… Pour revenir à la rareté de ma tessiture, ça a je crois beaucoup compté dans mon attribution du Premier prix au Concours de la Reine Elizabeth en 2000 : nous n’étions que deux contraltos pour une cinquantaine de sopranos ! Et puis aussi, contrairement à elles, je peux aborder tous les genres musicaux, et ça aussi c’est une grande chance. La plupart des sopranos sont cantonnées dans un certain type de répertoire : le baroque, Mozart, Strauss, Wagner etc. Moi, je peux tout faire ! (rires)

Certaines de vos consœurs n’aiment pas le récital… Vous semblez quant à vous adorer cet exercice ?

Oui, ça a été mon premier amour vous savez. Dès le départ, je me suis sentie récitaliste, ce qui ne m’a pas empêchée de travailler ma voix pour le répertoire lyrique. C’est bête, mais je pensais que le récital, c’était pour les gens qui n’avait pas de voix, et je me considérais dans cette catégorie à mes tous débuts. Et puis ma professeure de chant m’encourageait particulièrement dans cette voie là, car il y a beaucoup de chanteurs d’opéra, et finalement beaucoup moins de récitalistes. Ce goût du récital vient de mon enfance, j’ai été bercée dans ma jeunesse par la variété, avec des chanteurs comme Nana Mouskouri ou Claude François, Je viens de cet univers là, je connais par exemple par cœur toutes les chansons de Céline Dion ou de Diane Dufresne : je suis un vrai juke-box ! (rires) Et je ne renierai jamais ce genre musical, car ces chanteurs m’ont donné le goût du texte. Plus tard, dans la musique classique, j”ai été chercher ce côté spirituel qu’il y a dans la musique dite  populaire. Certes la musique me transporte, mais c’est le texte qui lui donne tout son sens. Le récital, c’est l’essentiel de l’art lyrique, et même de la comédie, car on a seulement deux minutes pour raconter une histoire… C’est ma propre mise en scène, et c’est de moi que ça part et qui doit tout contrôler…

Cela dit, on sent que vous aimez beaucoup la scène. On a l’impression que le jeu d’acteur est aussi important que la performance vocale pour vous ?

Oui, et justement à l’inverse du récital, on peut se permettre de négliger la voix à l’opéra : Callas le faisait ! Dans un théâtre, il faut finir sur ses deux jambes, et c’est très facile pour des natures dans mon genre de trop donner et de « mourir » sur scène. Certains chanteurs ne sont pas assez généreux, et d’autres comme moi le sont trop ! (rires) C’est ma nature, j’ai l’impression que si je ne donne pas tout, les gens ne m’aimeront pas… En fait, c’est l’intention qui doit être honnête, le fait aussi de se respecter soi-même, de gérer suffisament bien pour ne pas s’effondrer en cours de route ! (rires) Beaucoup de gens ne s’imaginent pas à quel point c’est dur d’être sur scène : nous sommes comme des athlètes de haut niveau nous autres les chanteurs, et ça exige parfois de nous des efforts quasi surhumains ! Et enfin, il ne faut pas croire, même après vingt ans de carrière, on a toujours la trouille… même quelqu’un comme Roberto Alagna avec qui je parlais de ça justement dernièrement.

Vous sortez tout juste de représentations de Falstaff où vous interprétiez le rôle de Mrs Quickly, à La Scala de Milan. A regarder votre planning, c’est le rôle que vous avez interprété – et allez interpréter – le plus souvent…

C’est exact, c’est un rôle que j’ai interprété plus de 70 fois ! Je peux dire que c’est MON rôle, qu’il est parfait pour moi, qu’il correspond à ma nature, et que je m’y « éclate » ! Je pourrais chanter le rôle la tête à l’envers, avec une épaule cassée, malade comme pas possible quoi ! (rires) Mais pour tout vous dire, plus encore que Mrs Quickly, le rôle qui me conviendrait plus encore, c’est celui de Falstaff ! (rires) Cet opéra est un chef d’œuvre, je ne m’en lasse pas. Je viens de le faire avec Daniele Gatti à La Scala – comme vous l’évoquiez à l’instant -, et ça a été un intense bonheur : Gatti est tout simplement extraordinaire dans cet ouvrage, et que dire de la mise en scène de Robert Carsen… elle est extraordinaire ! La distribution était parfaitement équilibrée, d’une incroyable homogénéité, et le public nous a fait chaque soir un triomphe, les gens applaudissaient à tout rompre, c’était vraiment fou !

Malgré la crise du disque, vous êtes une des chanteuses qui enregistre le plus. C’est important pour vous ?

Oui, j’ai beaucoup de chance, j’en suis à mon treizième enregistrement là, et je ne dirais jamais assez merci à ceux qui m’ont fait – et me font – confiance. Chaque nouvel enregistrement est pour moi un vrai cadeau, et je ne refuse jamais quand on me propose d’en faire un ! Mais ce n’est pas un exercice facile, comme on pourrait le croire, car il faut que ce soit parfait ; il faut être en voix le jour où ça se passe, on se retrouve seul face à soi-même, et puis ce sont de longues sessions, il faut recommencer plein de fois, et c’est donc bien plus épuisant qu’un concert !

Comment vous préparez-vous à une prise de rôle, et quelles seront les prochaines ?

Je n’en ai pas beaucoup ces prochains temps, c’est plus l’année dernière qui a été complètement dingue à ce niveau là ! En 2014, j’ai enchaîné les prises de rôles : Tancrède de Rossini, Salomon de Haendel, Azucena dans Il Trovatore de Verdi et Dalila dans Samson et Dalila de Saint-Saëns. Je vous assure que c’est énorme et vraiment épuisant. Sinon, comment aborde t-on une prise de rôle ? Et bien avant tout avec sagesse… Mes engagements vont jusqu’en 2019 : il faut savoir si sa voix va évoluer dans le bon sens et sera apte à faire face aux exigences et aux difficultés vocales du personnage. Je ne peux malheureusement pas vous dévoiler ma prochaine prise de rôle, mais j’y travaille déjà, au piano, car je ne travaille jamais seule, et en l’occurencetoujours  avec mes deux pianistes attitrées, une qui est à Montréal quand je suis dans mon pays, et une autre à Bruxelles, quand je suis en Europe. Sinon, avant une prise de rôle, je prépare de mon côté le «squelette», puis j’arrive sans idées préconçues aux premières répétitions, que ce soit avec le chef d’orchestre ou le metteur en scène. Je veux leur faire confiance !

Propos recueillis à Montpellier par Emmanuel Andrieu pour Opéra Online



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