« Le Roi Carotte d’Offenbach triomphe à l’Opéra de Lyon » – Diapason

L’Opéra national de Lyon propose le rare opéra-bouffe d’Offenbach Le Roi Carotte, dans une mise en scène par Laurent Pelly. Yann Beuron y chante Fridolin, Julie Boulianne est Robin-Luron et Antoinette Dennefeld La Princesse Cunégonde.

12, 14, 16, 18, 21, 23, 27, 29 décembre & 1er janvier 

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Critique

C’est l’histoire de sa majesté Fridolin XXIV qui, victime d’un mauvais sort, sera destitué par une carotte géante et sa suite potagère. Mais après moult péripéties plus rocambolesques les unes que les autres, le souverain parviendra à renverser le légume usurpateur, retrouvant son trône – et l’amour. Il devra ainsi faire un voyage spatio temporel jusqu’à Pompéi en 79 avant Jésus Christ, afin de récupérer un anneau magique censé briser la malédiction, et se retrouvera expédié au pays des insectes dont il sera sauvé par la reine des abeilles. Sous cette trame loufoquissime en diable, sortie de la plume de Victorien Sardou, la politique n’est jamais loin : ce Frigolin n’a-t-il pas des airs de Napoléon III, que Carotte et son accompagnement de radis(caux) veulent remplacer par la République ?

La farce est en tout cas assez monumentale pour inspirer à Offenbach une de ses partitions les plus inventives et déjantées, parodie de grand opéra exigeant des moyens scéniques colossaux – d’où sa rareté. Lors de la création en 1872, quelques mois après la chute du Second Empire, l’« opéra-bouffe féérie » durait plus de six heures ! Bien vite, les auteurs ramenèrent leur dispendieux chef-d’œuvre de quatre à trois actes : c’est cette version, éditée par l’offenbachologue Jean-Christophe Keck, qui est reprise à Lyon, les dialogues ayant été pour l’occasion réécrits avec tact par Agathe Mélinand – et surtout condensées, la représentation atteignant ainsi à peine deux heures et demie.

Chef-d’œuvre, le mot n’est pas exagéré, tant l’imagination d’Offenbach atteint ici des sommets, en perpétuel renouvellement au gré de onze tableaux propices à de nombreux chœurs et ensembles balayés par le souffle de l’épopée, entre apocalyptique éruption du Vésuve, inénarrable ode au chemin de fer, brillant défilé des fourmis ou scène de barricades qui se souvient sans doute des horreurs de la Commune. Au pupitre, le jeune Victor Aviat unifie la fresque tragi-comique d’un geste preste et incisif, dont la vivacité ne se départ jamais de la dose d’élégance qu’exige le Mozart des Champs-Elysées.

Et le plateau est au diapason, emmené par un Yann Beuron impeccable, Frigolin débordant de verve, fier de son clair ténor et de sa diction à se damner. Il est secondé par Robin-Luron, génie dont les facéties tombent sans un pli sur le joli mezzo de Julie Boulianne. Et il a pour ministres Boris Grappe et Jean-Sébastien Bou, qui rivalisent d’abattage, le second usant de toutes ses mâles séductions pour inciter le peuple à la révolte. Victoire aussi pour Antoinette Dennefeld, la méchante princesse, et Chloé Briot, la gentille, qui tiennent chacune leur rang avec un tempérament et des charmes bien différenciés. Et pour le Roi Carotte de Christophe Mortagne, pas une grande voix, mais un art du comique légumineux phénoménal.

Laurent Pelly, à qui Offenbach a déjà offert tant de succès, ne cherche pas à recréer les fastes spectaculaires des origines, plutôt à les évoquer, avec un mélange de poésie, de distanciation et d’énergie théâtrale qui fait mouche à chaque instant. La scénographie de Chantal Thomas représente une sorte de cabinet de curiosités peuplé d’innombrables objets dont les mouvements assurent les changements d’atmosphères. C’est un festival de gags jamais appuyés et parfaitement rythmé, s’achevant en apothéose par l’apparition… d’un moulin à légumes géant. On vous laisse imaginer comment finira le Roi Carotte…. Purée quel triomphe !

Emmanuel Dupuy – Diapason Mag, 16/12/2015

 



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